Les start-ups actives dans le domaine de la blockchain utilisant des ICO (Initial Coin Offering) pour se financer ont levé 6,3 milliards de dollars en 2018 tandis qu’elles avaient permis de récolter 5,6 milliards de dollars en 2017. Une somme astronomique, dont une grande partie a néanmoins disparu dans des start-ups qui n’ont pas réellement d’utilité publique.
Nous allons examiner dans cet article trois cas d’étude prometteurs dans lesquels des start-ups et des agences gouvernementales ont utilisé la Blockchain pour apporter une réelle valeur ajoutée aux utilisateurs finaux. Il s’agit de Bitland basé au Ghana, d’ABN AMRO aux Pays-Bas et de Landmäteriet, le système de registre foncier suédois.
Bitland automatise l’enregistrement foncier au Ghana
La croissance des pays sous-développés est freinée par des problèmes de transparence dans le secteur de la propriété foncière. La Banque mondiale estime que 70% de la population mondiale n’a pas accès aux titres fonciers. Ajoutez à cela une étude récente de Transparency International (TI) qui souligne que la corruption foncière constitue une menace sérieuse pour les moyens de subsistance en Afrique. Il est clair qu’un sérieux problème existe.
TI constate que la corruption foncière entraîne des conséquences différentes selon le genre. Ainsi, les femmes sont victimes de violences sexuelles, de normes sociales discriminatoires, de pauvreté et d’un statut social marginalisé. Tandis que les hommes ne souffrent, eux, “que” de la pauvreté et d’un statut social marginal.
Fig 1- Les problèmes liés à la propriété foncière pour les femmes
Au Ghana, cette problématique est particulièrement généralisée. Le pays compte 29,5 millions d’habitants confrontés à un manque flagrant de transparence en matière d’enregistrement foncier. En raison de ces difficultés et d’une corruption galopante, les tribunaux sont submergés de litiges fonciers. La centralisation par l’État des données liées aux registres fonciers est au coeur de cette problématique. En conséquence, la population doit vivre entre une insécurité du régime foncier, des conflits de propriété et la corruption administrative.
C’est là que Bitland intervient, une start-up basée à Kumasi au Ghana. Spécialisée en Blockchain, elle apporte une solution au problème en numérisant les titres de propriété.
L’ONG a pour objectif d’aider le gouvernement ghanéen à mettre en place un système d’enregistrement foncier efficace. Il suffit pour cela de permettre à la population d’enregistrer ses titres fonciers sur la plateforme décentralisée et basée sur la Blockchain. Selon des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT):
[Bitland] « permet aux particuliers et aux groupes de surveiller et d’enregistrer les titres de propriété sur la Blockchain de Bitland. La société fournit un enregistrement permanent et vérifiable. Elle assure également la liaison avec le gouvernement pour résoudre les différends. »
Bitland stocke les données de manière décentralisée, mais utilise également des serveurs traditionnels pour les sauvegardes. Ils utilisent Graphene, mis au point par le MIT, qui crypte toutes les données transmises ou stockées sur le réseau. Une des tâches essentielles de Bitland consiste à contrôler l’intégrité des titres de propriété afin qu’ils ne soient pas enregistrés par plus d’un propriétaire. Cela permet d’empêcher les activités frauduleuses (comme une modification du titre) de toute personne, ou de tout fonctionnaire, et d’attribuer la responsabilité à ladite personne. Ainsi, toute manipulation allant à l’encontre des intérêts de l’État est mise en évidence au moyen des traces numériques laissées.
ABN Amro simplifie les transactions immobilières commerciales
Selon un rapport publié par IBIS World, le secteur américain de l’immobilier commercial (IC) a généré un chiffre d’affaires annuel de 4 trillions de dollars en 2017. L’IC comprend entre autres centres commerciaux, hôtels, restaurants et casinos. Le secteur emploie 16,2 millions de personnes et la survie de 3,7 millions d’entreprises en dépend. Cependant, il s’agit d’un secteur devant impérativement évoluer, en particulier dans la façon dont les transactions IC sont effectuées.
Par exemple, chaque transaction d’IC implique de nombreux intervenants : des acheteurs, des vendeurs, des locataires, des propriétaires, des banques, des notaires, des experts, la chambre de commerce, le bureau d’enregistrement immobilier et les autorités de réglementation. L’existence de tant d’acteurs, chacun ayant une motivation différente, crée un réseau complexe se montrant souvent inefficace.
ABN AMRO, troisième plus grande banque des Pays-Bas, a lancé une application, basée sur la Blockchain, appelée Torch. Son objectif est de simplifier les transactions IC afin d’aider l’ensemble des intervenants impliqués à enregistrer et échanger des informations.
Les clients ABN AMRO actifs dans l’immobilier commercial, et dont les immeubles sont financés par ABN AMRO, concluent leurs contrats de location directement dans l’application Torch lequel est validé pare chargé de clientèle de la banque. Torch est également utilisée par la banque pour partager les documents de propriété avec un expert désigné, qui lui-même procède à l’estimation du bien. Les informations transmises par le bureau d’enregistrement immobilier et la chambre de commerce néerlandaise sont également disponibles dans l’application. Pour finir la Banque centrale néerlandaise a, elle aussi, accès aux mêmes informations que les autres parties des transactions.
ABN AMRO estime que Torch permet de rendre une transaction d’IC courante beaucoup plus rapide et transparente que les méthodes traditionnelles de partage d’informations.
Fig 2- L’implémentation de la Blockchain de la banque ABN AMRO dans les transactions IC
La banque n’a pas révélé l’impact de l’application Torch sur l’efficacité des transactions, ni communiqué de résultats sur son programme pilote. Cependant, on observe que des entreprises et des municipalités, situées à l’autre bout du monde, expérimentent la même technologie.
« La start-up Property Propy s’est associée au bureau du greffier municipal de South Burlington (USA) pour transférer les documents de cession de biens immobiliers dans une blockchain », a rapporté Inman.
Propy estime que le temps nécessaire pour transférer un titre de propriété est ainsi réduit de moitié, par rapport à la méthode papier traditionnelle. Cela montre bien que la technologie Blockchain a aussi des applications réelles dans des secteurs d’activité patrimoniaux comme l’immobilier.
Une Blockchain pour soutenir le registre foncier suédois.
En janvier 2017, un magazine britannique publiait un article intitulé « Personne ne sait à qui appartient 17% de l’Angleterre et du pays de Galles : voilà pourquoi nous avons besoin de transparence dans le marché foncier. »
L’auteur affirme que, pour déterminer à qui appartiennent ces 17% d’Angleterre et du pays de Galles, il faudrait des tonnes d’enveloppes, des montagnes de documents signés à la main et une multitude de courriers. Le manque de transparence dans le secteur de la propriété foncière et l’inefficacité dans l’attribution de titres fonciers ne sont donc pas des problèmes cantonnés au Tiers-monde.
Il en va de même pour le gouvernement suédois. En Suède, on estime qu’une transaction immobilière prend plusieurs mois et que le système de gestion coûte des millions d’euros aux contribuables. La croissance de ce secteur est également limitée par un système de compensation et des règles complexes.
En juin 2016, le gouvernement suédois, en partenariat avec le cabinet de conseil Kairos Future, la société de chaînes de télévision ChromaWay et le fournisseur de télécommunications Telia, a lancé un projet pilote. Ce dernier visait à transférer le système de registre foncier suédois, appelé Lantmäteriet, sur une blockchain.
« Le gouvernement suédois estime que les contribuables économiseront plus de 100 millions d’euros (106 millions de dollars) par an du fait du simple transfert des registres fonciers sur la Blockchain », a déclaré Quartz.
La réduction de la paperasse, la rapidité accrue des transactions et l’élimination de la fraude sur le marché des titres fonciers sont autant de postes où des économies sont réalisées.
Fig 2- L’impact de la mise en place d’une Blockchain pour gérer les titres fonciers
Les secteurs traditionnels, tels que les assurances-titres, l’immobilier commercial et les services financiers, voient apparaître de vrais projets basés sur une Blockchain.
Si on détourne le regard du battage médiatique autour de la Blockchain et des ICO, on constate qu’il existe des solutions et applications bien réelles. Pour y voir plus clair, beaucoup appelle à davantage de communication de la part, entre autres des médias, et l’adoption d’une grille de lecture permettant d’identifier les start-ups portant un projet innovant basé sur la Blockchain.